C’est un coin de Saône-et-Loire où l’on n’a pas mille raisons de s’arrêter. Un « centre-bourg », évanescent ; deux restos de routiers, pas mauvais, sur l’ancienne nationale ; une aire de repos, sur l’autoroute en contrebas. La population municipale se concentre vers la forêt, dans le centre pénitentiaire. Pas le complexe carcéral le plus spectaculaire de France. Juste une prison ordinaire : une « prison de campagne », résument des surveillants. Le taux d’occupation du quartier maison d’arrêt y est moins invraisemblable qu’ailleurs : aux dernières nouvelles, il serait même descendu sous la barre des 140 %. Des statistiques qui n’ont pas de raisons d’exploser subitement pendant ces quelques jours de reportage : la « grève dure » qui nous pendait au nez a été votée par deux barreaux des alentours, alors que nous prenions l’autoroute, à trois cent cinquante kilomètres de là.
La première étape se déroule en principe à « seulement » huit grilles de l’extérieur, à côté d’un grand préau pavoisé de reproductions de street art. C’est en effet au parloir des avocats que les nouveaux entrants rencontrent le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) de permanence. Comme c’est essentiellement lui qui assure les premiers contacts entre le détenu et le reste du monde, il peut parfois se retrouver avec un bail à résilier, un contrat de travail à suspendre, voire des animaux de compagnie à caser à la SPA. Rien de tout cela ne se présentera ces jours-ci. Arrive d’abord Sami, un tout jeune majeur entré la veille au soir, auquel il précise d’emblée : « comme vous êtes prévenu, et donc présumé innocent, on ne peut pas trop parler des faits… ».
Sami lâche un soupir de soulagement, essentiellement parce l’exercice n’aurait visiblement pas été simple : lui-même ne semble déjà plus trop savoir ce qu’il était originellement venu faire dans la région, si loin de chez ses parents. Ce qu’il sait parfaitement, en revanche, c’est qu’il ne peut pas rester sans rien faire en détention : « j’aimerais bien aller à l’école, pour me remettre à niveau, parce que j’ai arrêté en quatrième. Faire des formations, aussi. C’est pour pouvoir le dire à mon jugement, parce que sinon, je vais prendre cher ! » Le délai est clairement trop court pour mettre en branle le moindre projet, mais le conseiller valide la stratégie : « ce que je vous conseille, c’est de faire tout de suite toutes les demandes possibles et de bien garder les réponses ».