En France, le texte de référence pour la justice des mineurs demeure l’ordonnance de 1945. À l’instar de la plupart des textes adoptés par les pays européens dans les années d’après-guerre, il pose comme postulat la primauté de l’éducatif sur le répressif. Tous les enfants doivent être protégés y compris ceux qui tombent dans la délinquance. « La prison reste la sanction ultime, assure Étienne Lesage, avocat spécialisé en droit des mineurs. Elle intervient quand tout le reste – les mesures éducatives – a échoué ». Il explique : « il y a une philosophie commune qui domine chez les juges des enfants. On ne choisit pas cette spécialité par hasard. Certains sont plus ou moins répressifs mais tous sont attachés aux principes de l’ordonnance de 1945 ».
Pour autant, cette justice est plus souvent perçue par le prisme de la délinquance des mineurs que par celui de la protection de l’enfance en danger qui pourtant constitue l’écrasante majorité des dossiers traités partout en France. « On en a assez de ce regard stigmatisant et déconnecté sur notre jeunesse. Les mineurs délinquants ne représentent que 3,6 % des 10-17 ans et sur 100 mineurs déférés, 65 % ne récidivent jamais », explique Gisèle Delcambre, juge des enfants à Lille dans le documentaire Des juges et des enfants de Cyril Denvers diffusé en février dernier sur France 5. En réalité 75 % de l’activité du tribunal pour enfants de Lille, le plus grand de France est consacré à l’assistance éducative.
Voilà deux ans, à l’occasion du 70e anniversaire de l’ordonnance de 1945, l’ex-garde des Sceaux Christiane Taubira avait lancé le projet de réformer ce texte qui avait fait l’objet de très nombreuses modifications. Elle souhaitait notamment réaliser un code de justice pénale des mineurs. La justice des mineurs était l’une des priorités de François Hollande qui avait même adressé une lettre en ce sens à l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) dans l’entre-deux-tours de la campagne présidentielle de 2012. « C’est un beau texte mais difficile à lire aujourd’hui car il a été beaucoup modifié, souligne Étienne Lesage. L’idée était de reprendre les grands principes de l’ordonnance et d’ajouter des choses mais Manuel Valls s’est opposé à la sortie de ce document. »
Néanmoins, après des mois d’atermoiements, la ministre de la justice avait obtenu de faire supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés par Nicolas Sarkozy en août 2011 ainsi que les peines planchers qui s’appliquaient à eux également. À travers ces tribunaux, l’idée étant de condamner plus sévèrement les jeunes récidivistes ayant commis des délits punis de trois ans d’emprisonnement sans passer par les juges des enfants, perçus comme laxistes. Toutefois, l’objectif n’a pas été atteint. En réalité, les tribunaux correctionnels pour mineurs ont jugé « un faible nombre de mineurs », souligne un rapport établi par le ministère de la justice en mai 2015, qui se basait sur les chiffres de la Direction des affaires criminelles et des grâces : 787 de janvier 2012 à novembre 2013 sans prononcer de peines plus sévères (v. not. Dalloz actualité, 3 févr. 2015, art. C. Fleuriot isset(node/170877) ? node/170877 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>170877 ; ibid., 2 févr. 2015, art. C. Fleuriot isset(node/170817) ? node/170817 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>170817).