En France, l’interdiction de recourir à des contrats de mère porteuse sur le territoire n’est pas le fait du législateur mais celui des juges de la Cour de cassation. Cela date de l’arrêt du 31 mai 1991 qui pose comme principe que le contrat de mère porteuse tendant à l’abandon à la naissance de l’enfant par sa mère porte atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes. Il perçoit dans l’adoption par la femme du père biologique un détournement de l’institution de l’adoption. Le contrat de GPA est donc reconnu comme nul au motif de l’atteinte à la dignité des êtres humains. Les lois de bioéthique de 1994 sont venues expliciter ce principe dans le droit positif avec l’article 16 du code civil : « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». De ces lois est également né l’article 16-7 du code civil qui dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». « Ce qui m’a toujours frappé dans cette question sensible c’est l’extraordinaire absence de prise de position de la part du législateur », souligne Patrice Spinosi, avocat largement investi sur le front de la reconnaissance du lien de filiation des enfants nés de GPA dans l’état civil français. « Il faut bien se rendre compte qu’aujourd’hui, l’état du droit est l’inverse exactement de ce qu’il était il y a cinq ans », ajoute-t-il. Et de fait, jusqu’en 2014, cette jurisprudence interdisait aux Français ayant eu recours à une mère porteuse de demander la transcription de la filiation de cet enfant par rapport à eux, que le contrat se déroule sous l’empire du droit français ou d’un droit étranger, qu’il s’agisse du parent biologique ou du parent d’intention a fortiori.
Les arrêts Mennesson et Labassée du 26 juin 2014 rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamnent la France. Ce couple de Français avait obtenu des jumelles grâce à un contrat de gestation pour autrui réalisé aux États-Unis. Si la CEDH a estimé le processus frauduleux et en violation à l’ordre public international, elle a estimé que le droit à la vie privée de l’enfant avait été méconnu par les juges français « en ce qu’il comprend un "droit à l’identité", lequel implique le droit de voir retranscrit sur l’état civil français son lien de filiation à l’égard de celui avec lequel il a un "lien biologique" (le père), quand bien même le droit national interdit la convention de GPA, ce qu’il est par ailleurs légitime à faire ». « Tout l’enjeu pour la CEDH c’était de replacer l’enfant au centre et de faire prévaloir son intérêt sur l’intérêt public de la prohibition de la GPA en France », explique Me Spinosi, l’avocat du couple.
Entre temps, la circulaire Taubira du 23 janvier 2013 indiquait qu’un recours vraisemblable à la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui « ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française ». Celle-ci invitait à faire droit aux demandes de délivrance lorsque les conditions légales sont remplies. Et le Conseil d’État avait rejeté les requêtes émises à l’encontre de cette circulaire. Par la suite, la Cour de cassation a rendu deux arrêts le 3 juillet 2015 qui se conforment à cette appréciation de la CEDH. Elle reconnaît qu’il n’est pas possible de refuser la transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant né à l’étranger d’un parent français au seul motif qu’il est le fruit d’une convention de gestation pour autrui. Par la même occasion, le lien de filiation avec le père biologique est reconnu. « Et s’il se trouve que ce père est marié, alors son conjoint peut recourir à la procédure d’adoption. Voilà exactement où nous en étions », souligne Marie-Anne Frison-Roche, professeure à Sciences Po.