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Deux décrets réformant le code de justice administrative, l’un sur la procédure et l’autre sur Télérecours, viennent d’être publiés au Journal officiel. David Moreau explique à l’AJDA leur genèse et leurs objectifs.
le 4 novembre 2016
La rédaction : Qu’est-ce qui rendait nécessaires les mesures prévues par le décret de procédure qui a cheminé en interne sous le nom « Justice administrative de demain » (JADE) ?
David Moreau : Il est nécessaire d’adapter les outils du juge administratif à l’accroissement continu du contentieux (en moyenne en augmentation de 3 à 6 % chaque année). En mars 2015, le vice-président du Conseil d’État avait chargé la présidente de la mission d’inspection des juridictions administratives, Odile Piérart, de constituer un groupe de travail pour réfléchir à l’avenir de notre juridiction au regard de trois paramètres : le nombre de requêtes qui ne cesse d’augmenter ; des moyens et des effectifs, qui ne progressent pratiquement plus et un nombre de dossiers traités par magistrat qui ne peut croître indéfiniment. Le groupe de travail a fait une cinquantaine de propositions, qui commencent à trouver leur traduction dans des textes cette année : dans la loi Justice du XXIe siècle, avec la médiation, par exemple. Le décret traduit tout ce qui pouvait l’être par voie réglementaire.
La rédaction : L’un des objectifs n’est-il pas de décourager ou de rendre irrecevables certaines requêtes avec le renforcement de l’obligation de lier le contentieux et l’élargissement du ministère d’avocat obligatoire ?
David Moreau : L’obligation de lier le contentieux répond avant tout au souci de promouvoir le règlement alternatif des litiges. La jurisprudence a été assez bienveillante : le juge a admis que la liaison du contentieux puisse se faire en cours d’instance et même après qu’une fin de non-recevoir a été opposée par l’administration. Or l’administration, lorsqu’elle est saisie d’une demande amiable alors qu’un recours contentieux a déjà été formé, n’est pas très encline à y donner suite. L’idée est de laisser une vraie chance au recours amiable en imposant non seulement qu’une demande ait été présentée avant le recours contentieux mais qu’un rejet, implicite ou explicite, soit né. Le but n’est donc pas d’ajouter un obstacle en espérant que certains le ratent.
Le renforcement de l’obligation de liaison du contentieux passe également par la suppression de l’exception pour les travaux publics. Ceux-ci entrent dans le droit commun parce qu’aujourd’hui, il n’y a vraiment plus de justification à ce que ces recours soient dispensés à la fois de liaison du contentieux et de ministère d’avocat.
En élargissant l’obligation de ministère d’avocat, c’est d’abord la qualité des recours qu’on vise. On sait que la gratuité de la justice peut inciter à des recours peu réfléchis. Cela a un impact sur le volume, mais aussi sur la qualité de ce qui est produit devant nous. Or, là encore, les travaux publics ne sont pas une matière particulièrement simple. Je pense aux litiges sur les marchés de travaux publics qui, aujourd’hui, sont dispensés d’avocat, alors que ce sont parmi...
David Moreau
Secrétaire général adjoint du Conseil d’État chargé des juridictions administratives.