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Article
Les ordonnances redéfinissent les rôles respectifs des accords de branche et d’entreprise
Les ordonnances redéfinissent les rôles respectifs des accords de branche et d’entreprise
Les ordonnances clarifient autour de trois blocs le rôle de la branche et de l’entreprise. Elles tendent aussi à sécuriser les accords collectifs en leur accordant une présomption de légalité et en limitant le délai de l’action en nullité.
par Florence Mehrezle 4 septembre 2017
La réforme du travail engagée par Emmanuel Macron poursuit la nouvelle articulation entre les accords de branche, les accords d’entreprise et la loi. La première des cinq ordonnances clarifie ainsi les rôles respectifs des accords d’entreprise et des accords de branche autour de trois blocs.
Attention : il s’agit de projets d’ordonnances susceptibles d’être modifiés avant leur publication au Journal officiel.
Articulation accords de branche et accords d’entreprise
Bloc 1 : les sujets pour lesquels la branche a une compétence exclusive
Dans ces matières, l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise qu’il soit conclu avant ou après, sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes, dans ces 11 matières :
• les salaires minima hiérarchiques ;
• les classifications ;
• la mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;
• la mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;
• les garanties collectives complémentaires ;
• les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires (heures d’équivalence, nombre minimal d’heures entraînant la requalification de travailleur de nuit sur une période de référence, durée minimale du temps partiel et heures complémentaires, taux de majoration des heures complémentaires, compléments d’heures par avenant) ;
• les mesures relatives aux CDD et aux contrats de travail temporaires (durée totale du contrat, transmission du CDD, succession de CDD, durée du contrat de mission, renouvellement du contrat de mission, succession des contrats de mission) ;
• les mesures relatives au contrat de chantier ;
• l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
• les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai ;
• les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions pour le transfert du contrat de travail ne sont pas réunies.
Bloc 2 : les sujets pour lesquels la branche peut rendre ses dispositions impératives (clauses de verrouillage)
Dans ces matières, l’accord de branche prévaudra sur l’accord d’entreprise conclu postérieurement, sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Mais c’est à la branche de décider de verrouiller – ou non – ces 4 sujets :
• la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ;
• l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
• l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ;
• les primes pour travaux dangereux et insalubres.
À noter : l’ordonnance prévoit toutefois que les branches pourront décider de continuer à faire produire effet aux clauses de verrouillage existantes dans ces matières (accords conclus avant 2004 ou après) à la condition qu’elles le confirment avant le 1er janvier 2019.
Bloc 3 : les sujets sur lesquels les accords d’entreprise primeront l’accord de branche
Pour tous les autres sujets non listés dans les deux premiers blocs, l’accord d’entreprise prévaudra sur l’accord de branche, qu’il soit conclu antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord de branche. En l’absence d’accord d’entreprise, c’est l’accord de branche qui s’appliquera.
Unification des accords portant sur l’emploi
L’ordonnance unifie l’ensemble des accords qui portent sur l’emploi : les accords RTT des lois Aubry, les accords de modulation du temps de travail (loi du 22 mars 2012), les accords de maintien dans l’emploi et de mobilité interne (loi du 14 juin 2013) et les accords de préservation et de développement de l’emploi (loi du 8 août 2016).
Cet accord pourra :
• aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
• aménager la rémunération ;
• déterminer les conditions de mobilité professionnelle.
Il devra préciser :
• les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée d’application, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
• les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord et les mandataires sociaux et actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée ;
• les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés.
En cas de refus par le salarié, son licenciement sera sui generis, le refus suffisant à justifier la cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur devra abonder son compte personnel de formation à hauteur de 100 heures ; un décret devra confirmer cette information du gouvernement. Le salarié aura un mois pour faire part de son refus par écrit.
Sécurisation des accords collectifs
Un autre objectif du gouvernement est de sécuriser les accords collectifs afin de limiter les contentieux, récemment échaudé par les contentieux sur les accords forfaits-jours et sur les avantages catégoriels.
Le gouvernement pose ainsi une présomption de légalité des accords collectifs. C’est à celui qui en contestera la légalité d’apporter la preuve que l’accord n’a pas été négocié ou conclu conformément à la loi.
Par ailleurs, l’ordonnance encadre les demandes de nullité d’un accord collectif ; l’action devra être engagée dans un délai de deux mois. Ce délai débutera :
• pour les accords d’entreprise : soit de la procédure de notification à l’ensemble des organisations représentatives pour les organisations disposant d’une section syndicale, soit à partir de la date de publicité de l’accord dans la nouvelle base de données publique créée par la loi Travail ;
• pour les accords de branche : à compter de leur date de publicité dans la base publique. Il existe toutefois des exceptions à ce délai de deux mois : les accords portant sur les consultations obligatoires (trois mois), les accords portant sur un PSE (2 mois pour l’employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d’homologation et deux mois à compter de l’information pour les syndicats et les salariés)
À noter : le ministère assure que la base de données publique des accords collectifs sera bien mise en ligne aujourd’hui, comme prévu par le décret du 3 mai 2016.
L’ordonnance encadre aussi les effets de la nullité de l’accord. Le juge pourra ainsi décider de moduler les effets dans le temps de ses décisions s’il estime que l’effet rétroactif pourrait avoir des conséquences manifestement excessives sur des situations acquises ou l’intérêt général.
Ces dispositions s’appliqueront aux accords conclus postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Les accords majoritaires généralisés au 1er mai 2018
La généralisation de l’accord majoritaire est avancée au 1er mai 2018.
La loi Travail du 8 août 2016 a donné la possibilité aux organisations syndicales ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, en l’absence d’accord majoritaire, de demander l’organisation d’une consultation sur l’accord en cours de négociation. L’ordonnance permet à l’employeur d’en être à l’initiative à la condition que ces organisations ne s’y opposent pas.
L’ensemble de ces dispositions entre en vigueur à la date de publication des décrets pris pour son application et, au plus tard, le 1er janvier 2018.
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