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Nouvelle condamnation de la France à la suite du suicide d’un détenu en prison

La Cour européenne des droits de l’homme condamne à nouveau la France pour n’avoir pas mis en œuvre les mesures qui auraient pu raisonnablement éviter le suicide d’un détenu signalé comme risquant d’attenter à sa vie.

par Nelly Devouèzele 17 février 2016

M…, né en 1984, a été placé en détention provisoire le 24 novembre 2008 et écroué à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan. En vue de son placement en détention, le juge d’instruction en charge de l’information a rempli la notice individuelle du prévenu, à destination du chef de l’établissement pénitentiaire. À la question « existe-t-il, dans le comportement de la personne mise en examen, des éléments laissant craindre qu’elle porte atteinte à son intégrité physique », il a coché la case « oui » et a ajouté au bas de la notice « à surveiller : première incarcération et semble fragile ». Le lendemain de son placement en détention, M… a été reçu en entretien par le lieutenant T…, qui a établi une fiche « audience arrivants – évaluation du potentiel suicidaire/vulnérabilité/dangerosité », mettant notamment en évidence des antécédents de tentative de suicide, une appréhension de la promiscuité carcérale et des suites de la procédure. Il a relevé que M… paraissait anxieux, triste et se déclarait spontanément suicidaire. Sa situation a été signalée au service médico-psychologique régional (SMPR) et la fiche fait mention d’une mise en surveillance spéciale. 

Le 2 décembre 2008, la commission pluridisciplinaire (CPU) dédiée à la prévention des suicides a décidé de maintenir la surveillance spéciale et d’organiser un entretien avec un membre du personnel pénitentiaire avant la tenue de la prochaine CPU. L’unité de consultation et de soins ambulatoires et le SMPR étaient absents de cette réunion, tandis que le service détention a précisé « signalé prévention suicide (évaluation SMPR à faire) ». Le 5 décembre 2008, M… a été affecté dans une cellule avec deux autres codétenus afin d’éviter son isolement. Le 6 décembre 2008, M… s’est pendu avec un drap aux barreaux de la fenêtre de sa cellule, dans laquelle il était resté seul, sans surveillance, pendant que ses deux codétenus étaient allés prendre leur douche. Il a été hospitalisé au CHU de Bordeaux. M… est décédé le 7 décembre 2008. Le 9 juillet 2009, son père, M. Bedrettin Isenc, a adressé une réclamation indemnitaire préalable au garde des Sceaux et a...

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