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Article

Motivation des arrêts d’assises : la France condamnée mais rentrée dans le rang
Motivation des arrêts d’assises : la France condamnée mais rentrée dans le rang
Les questions posées au jury, laconiques, ne permettent pas aux requérants, acquittés en première instance et condamnés en appel, de disposer des garanties suffisantes pour comprendre le verdict de condamnation, ce qui constitue une violation du droit au procès équitable.
par Sébastien Fucinile 11 juin 2015

Par deux arrêts du 21 mai 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France en raison de l’insuffisante motivation d’arrêts d’assises rendus avant le 1er janvier 2012, date d’entrée en vigueur du nouvel article 365-1 du code de procédure pénale introduisant l’exigence de motivation. Pour dire qu’il y avait violation du droit au procès équitable, la cour a relevé que, dans les deux cas, les requérants ont été acquittés en première instance puis condamnés en appel. Dans ce contexte, les questions posées – une dans le premier cas, cinq dans le second – étaient insuffisantes et laconiques et ne permettaient pas aux intéressés de disposer des garanties suffisantes pour comprendre le verdict de condamnation.
Si les arrêts de cours d’assises en cause ont été rendus avant l’entrée en vigueur de l’article 365-1 issu de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011, ils demeurent toutefois intéressants dans l’analyse de la motivation exigée pour se conformer à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. La grande chambre a affirmé, à l’égard de la Belgique, que l’article 6 exigeait, à tout le moins, des questions précises « de nature à former une trame apte à servir de fondement au verdict » (V. CEDH 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique, req. n° 926/05, Dalloz actualité, 25 nov. 2010, obs. O. Bachelet ; ibid. 48, note J. Pradel
; Just. & cass. 2011. 241, étude C. Mathon
; AJ pénal 2011. 35, obs. C. Renaud-Duparc
; RSC 2011. 214, obs. J.-P. Marguénaud
; JDI 2011. 1313, obs. O. Bachelet). Elle est ainsi revenue sur un précédent arrêt de section rendu dans la même affaire et qui posait une exigence générale de motivation des décisions de justice (V. CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c. Belgique, req. n° 926/05, D. 2009. 1058
, note J.-F. Renucci
; Just. & cass. 2011. 241, étude C. Mathon
; RFDA 2009. 677, étude L. Berthier et A.-B. Caire
; RSC 2009. 657, obs. J.-P. Marguénaud
; Dr. pénal 2009). Pour la Cour, il suffit que l’examen conjugué de l’acte d’accusation et des questions posées permette à l’intéressé de comprendre les éléments qui ont convaincu le jury. Elle a par la suite précisé sa jurisprudence. De manière générale, lorsque les questions sont peu nombreuses et laconiques, la CEDH estime que les garanties de l’article 6 sont violées (V. CEDH 10 janv. 2013, Agnelet c. France, n° 61198/08, AJDA 2013. 1794, chron. L. Burgorgue-Larsen
; D. 2013. 615, et les obs.
, note J.-F. Renucci
; AJ pénal 2013. 336, note C. Renaud-Duparc
; RSC 2013. 112, obs. J. Danet
; ibid. 158, obs. J.-P. Marguénaud
), ce qui n’est pas le cas lorsque les questions posées sont nombreuses et circonstanciées (V. CEDH 10 janv. 2013, Légillon c. France, req. 53406/10, D. 2013. 615
, note J.-F. Renucci
; AJ pénal 2013. 336, note C. Renaud-Duparc
). Ainsi, c’est en l’espèce par une analyse concrète de l’acte d’accusation, d’une part, qui n’a qu’une valeur relative en ce qu’il intervient avant les débats, d’autant plus que les requérants ont été acquittés en première instance, et des questions posées, d’autre part, que la Cour en conclut que l’article 6 a été violé.
Dans les deux arrêts commentés, la Cour de cassation avait rejeté les pourvois dirigés contre les arrêts de condamnation en se prononçant après l’arrêt Taxquet. Si les décisions rendues par les cours d’assises d’appel étaient exemptes de critiques par rapport aux dispositions alors en vigueur, la Cour de cassation...
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