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Article

Immunité d’une organisation internationale et responsabilité de l’État
Immunité d’une organisation internationale et responsabilité de l’État
« Le justiciable, qui se voit opposer le caractère absolu de l’immunité d’exécution d’une organisation internationale, dispose, par la mise en œuvre de la responsabilité de l’État, d’une voie de droit propre à rendre effectif son droit d’accès à un tribunal ».
par François Mélinle 6 juin 2016

Un conseil de prud’hommes condamne la Banque des États de l’Afrique centrale à payer à l’un de ses anciens salariés une certaine somme à titre de rappels de salaires et de dommages-intérêts. Cet ancien salarié fait alors pratiquer, en France, une saisie attribution sur un compte bancaire de cette organisation internationale, qui demande ensuite la mainlevée de la mesure, en se prévalant de son immunité d’exécution. Elle a en effet conclu, le 20 décembre 1988, un accord avec la France relatif à ses privilèges et immunités sur le territoire français. Les juges du fond rejettent cette demande de mainlevée et décident que la mesure produira ses effets, aux motifs que le caractère absolu de l’immunité d’exécution restreint le droit d’accès à la justice de l’ancien salarié, qu’il y a une atteinte grave, rédhibitoire et définitive au droit à un procès équitable, et qu’aucun recours effectif n’est offert au justiciable auquel est opposée l’immunité d’exécution.
Cette présentation rapide des circonstances d’espèce permet à elle seule d’appréhender sans difficulté la problématique de cette affaire : en matière d’immunité, comment concilier les spécificités des relations internationales qui conduisent, depuis le Moyen-Âge, à faire bénéficier les États et les organisations internationales d’un régime exorbitant et les droits des personnes morales ou physiques auxquelles une immunité de juridiction ou d’exécution est opposée, notamment le droit d’accès au juge garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme ?
D’un point de vue théorique, cette question est embarrassante. Dès lors que l’on reconnaît à une entité une immunité de juridiction et/ou d’exécution, que ce soit sur le fondement de son acte constitutif, d’un accord liant cette entité à l’État d’accueil (comme en l’espèce) ou en application des principes du droit international public comme le relève la Cour de cassation au fil de ses décisions relatives à la situation des États étrangers (V. Civ. 1re, 20 oct. 1987, n° 85-18.608, qui se réfère à « la règle de droit international public gouvernant les relations entre États » ; 6 juill. 2000 n° 98-19.068, D. 2000. 209 ; ibid. 2001. 2139, chron. J. Moury
; RTD com. 2001. 409, obs. E. Loquin
, qui vise les « principes du droit international régissant les immunités des États étrangers » ; 28 sept. 2011, qui prend appui sur le « droit international coutumier »), il est certain que la partie qui agit contre cette entité sera lésée.
La question retient depuis longtemps l’attention des praticiens (G. Cuniberti, C. Normand et F. Cornette, Droit international de l’exécution, LGDJ, 2011, p. 237 s.) et des universitaires, qu’ils soient spécialisés en droit international public (I. Pingel (dir.), Droit des immunités et exigences du procès équitable, Pédone, 2005 ; D. Simon (dir.), Le droit international des immunités : constantes et ruptures, Pédone, 2015) ou en droit international privé (par...
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