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La France accorde aux entreprises une faveur comptable potentielle de 242 milliards d’euros
La France accorde aux entreprises une faveur comptable potentielle de 242 milliards d’euros
La réglementation comptable française évite aux entreprises d’amortir systématiquement le fonds commercial éventuellement présent dans leurs comptes individuels. Ce choix fait débat sur sa légalité au regard du droit de l’Union européenne. Selon notre enquête, l’enjeu est considérable.
par Ludovic Arbelet, journalistele 11 mars 2016
C’est un geste colossal que la France fait aux entreprises. La réglementation hexagonale permet d’optimiser leurs profits en les épargnant d’une charge que certains considèrent pourtant obligatoire. Selon nos calculs, issus des données de l’INSEE, le montant potentiel en jeu s’élève à 242 milliards d’euros à fin 2013 (v. ce tableau). Toutes les organisations sont concernées, des TPE aux sociétés cotées. Une opération qui préserve donc, à court terme en tous cas, la profitabilité apparente de l’économie hexagonale. Et aussi les finances publiques. Par cette opération, l’État actionnaire se ménage plusieurs milliards de dividendes qu’il tire de ses participations, notamment dans Orange. Et il évite de courir le risque de subir une pression énorme des entreprises pour baisser leur fiscalité. Car l’amortissement du fonds commercial n’est a priori pas déductible de l’impôt sur les bénéfices.
Bref, un coup comptable qui ne coûte rien à l’État. À ceci près qu’il fait l’objet d’un débat sur sa légalité au regard du droit de l’Union européenne. Patrick de Cambourg, président du normalisateur comptable français, ne s’en cache d’ailleurs pas. « L’amortissement obligatoire [des immobilisations incorporelles] est une interprétation plutôt majoritaire de la directive comptable », a-t-il reconnu le 9 février dernier lors d’une conférence de l’Institute of Management Accountants (IMA) largement consacrée à ce sujet. En septembre 2015, le successeur de Jérôme Haas à la tête de l’Autorité des normes comptables (ANC) avait déjà abordé ce dossier sensible. Et c’était aussi lors d’une conférence de l’IMA.
Plusieurs interprétations de la directive comptable
Ce choix français provient de la transposition récente de la directive comptable de 2013 (dir. 2013/34/UE). Il concerne le traitement du fonds commercial dans les comptes individuels des entreprises à partir du 1er janvier 2016. L’ANC a décidé, via un règlement homologué par un arrêté du 4 décembre 2015 signé par Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, Christiane Taubira, à l’époque garde des Sceaux et Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, de ne pas rendre systématiquement obligatoire l’amortissement de cette immobilisation incorporelle tout en prenant la précaution d’imposer aux organisations qui n’amortissent pas cet actif d’effectuer chaque année un test de dépréciation. Le normalisateur comptable français va même plus loin. Il accorde, pour cette immobilisation, une présomption, certes réfutable, de durée d’utilisation non limitée. Ce qui revient à dire que les entreprises peuvent présumer, certes de façon réfutable, que leur éventuel fonds commercial ne doit pas être amorti.
Que prévoit cette récente directive comptable européenne que les États membres doivent appliquer au plus tard en 2016 ? Elle indique que « les immobilisations incorporelles sont amorties sur leur durée d’utilisation (dir., art. 12). Dans des cas exceptionnels, lorsque la durée d’utilisation du fonds de commerce et les frais de développement ne peuvent être estimés de manière fiable, ces actifs sont amortis sur une période maximale fixée par l’État membre. Cette...
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