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Diffusion non autorisée de photographies sur internet et compétence dans l’Union

En cas d’atteinte alléguée aux droits d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une action en responsabilité pour l’atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site internet accessible dans son ressort.

par François Mélinle 5 février 2015

L’arrêt

Les faits et la procédure

Une photographe professionnelle domiciliée en Autriche constate qu’une société ayant son siège en Allemagne a, sans son autorisation et sans donner d’indication relative aux droits d’auteur, rendu accessible certaines de ses photos sur son site internet. Considérant que ses droits d’auteur n’avaient pas été respectés, cette photographe a saisi une juridiction autrichienne afin d’obtenir des dommages et intérêts. Une exception d’incompétence a alors été soulevée par la société allemande, aux motifs que son site internet n’était pas destiné à l’Autriche et que la simple faculté de le consulter depuis cet État membre était insuffisante pour attribuer la compétence une juridiction autrichienne.

Le juge autrichien a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, en relevant que, sous l’angle du droit autrichien, le problème juridique portait sur des droits voisins du droit d’auteur. Il a été demandé à la Cour, en substance, si l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale permet de retenir qu’en cas d’atteinte aux droits voisins du droit d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, cette dernière est compétente pour connaître d’une action en responsabilité pour l’atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site internet accessible dans son ressort.

Les principes applicables

Pour pleinement apprécier la position de la CJUE qui semble être inédite, il y a lieu de rappeler que l’article 2 du règlement confère par principe la compétence, en matière civile et commerciale, aux juridictions de l’État de l’Union européenne sur le territoire duquel est domicilié le défendeur.

Néanmoins, en matière délictuelle et quasi délictuelle, une option de compétence est fournie au demandeur par l’article 5, § 3 : il lui est possible de saisir également « le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire », étant indiqué que cette notion de fait dommageable vise le lieu de l’évènement causal mais aussi le lieu où le dommage est survenu (V. CJCE 30 nov. 1976, aff. C-21/76, D. 1977. 613, note G. Droz ; Rev. crit. DIP 1977. 563, note P. Bourel).

Le critère de la matérialisation du dommage

Le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une action en responsabilité pour l’atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site internet accessible dans son ressort : la CJUE répond ainsi de manière affirmative à la question posée par la juridiction de renvoi. La solution retenue n’est pas surprenante.

Elle ne se fonde pas sur le critère de l’évènement causal. La violation des droits trouvant son origine dans la mise en ligne de photographies sur un site internet, il y a en effet lieu de considérer que l’évènement causal est « le...

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