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CEDH : la Turquie condamnée pour le blocage de YouTube

Bloquer globalement l’accès à une plateforme telle que YouTube constitue pour les usagers actifs de ce site internet une violation de leur droit à recevoir et à communiquer des informations garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

par Olivia Tamboule 17 décembre 2015

Cette affaire apporte des précisions sur la compatibilité des effets collatéraux des mesures étatiques de blocages de site internet au regard de la liberté d’expression. En l’espèce, le blocage de YouTube avait été ordonné par les juridictions turques au motif qu’une dizaine de vidéos violait la loi interdisant l’outrage à la mémoire d’Atatürk. Cette mesure générale de blocage de plus de deux ans avait privé des enseignants en droit de la possibilité d’utiliser professionnellement YouTube pour s’informer et partager des informations, alors même qu’ils n’étaient pas à l’origine de cet outrage.

Les sept juges de la Chambre ont décidé à l’unanimité qu’une telle mesure de blocage constituait une ingérence dans le droit des requérants à recevoir et à communiquer des informations. Une telle ingérence n’a pu être justifiée. Elle n’était pas prévue par la loi comme l’exige l’article 10, alinéa 2, de la Convention européenne. L’intérêt de cet arrêt est double. 

Premièrement, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) consacre le statut d’usagers actifs d’un site internet permettant d’accéder à la qualification juridique de victime d’un blocage de ce site. Pour saisir valablement la CEDH, le requérant doit démontrer qu’il est victime d’une violation de la Convention européenne. En l’espèce, les requérants n’étaient pas directement victimes de la mesure de blocage du site internet mais plutôt des victimes collatérales en raison de leur statut d’usagers actifs du site. La Cour crée ici un type de victime qui ne recouvre pas les cas classiques de victime directe, indirecte ou potentielle. En effet, la qualité de victime indirecte est souvent utilisée pour des proches de la victime directe tels que les membres de la famille ou les personnes ayant un lien affectif avec la personne directement victime d’une violation de la CEDH. Les usagers actifs d’un site internet bloqué ne constituent pas non plus véritablement des victimes potentielles dans la mesure où le blocage du site les prive nécessairement d’un accès à l’information susceptible de porter atteinte à leur liberté d’expression. La Cour ne va cependant pas au bout de sa qualification. Elle ne dit pas clairement si ces victimes collatérales sont un cas particulier de...

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